21 April 2023

Espaces et responsabilités d’une communauté éducative : le modèle de la Guilde pédagonumérique

Des pratiques diversifiées au sein du réseau scolaire

Les termes qu’il est possible d’utiliser pour désigner l’espace et les modalités de rencontre d’une communauté éducative sont nombreux : « communauté d’apprentissage professionnelle » (CAP) (Leclerc, 2012), « communauté de pratique » (CoP) (Wenger et al., 2002), « groupe de codéveloppement professionnel » (Payette et Champagne, 2008), etc. Ces dispositifs de développement professionnel, dont les caractéristiques diffèrent au gré des définitions auxquelles on les associe et des milieux qui se les approprient, sont bien présents dans le réseau scolaire. Il est donc d’un grand intérêt de comprendre certaines pratiques gagnantes qui y sont associées et de s’intéresser à des exemples d’implantation réels de ceux-ci.

 

Une communauté éducative au-delà des modèles et des définitions

Au cœur d’un établissement d’enseignement, on retrouve une communauté éducative « qui mobilise tous ses acteurs […] et qui mise sur le partage et la qualité de leurs relations pour réaliser sa mission éducative » (Conseil supérieur de l’éducation, 1998, p. 12). Se centrer sur la mission éducative est la visée commune aux espaces de rencontre de la communauté éducative. Cette dernière pourrait se retrouver dans un espace commun identifié comme une CAP et dont les caractéristiques rejoindraient la définition de Leclerc (2012), mais tout de même posséder des modalités que l’on retrouve habituellement davantage au sein d’un groupe de codéveloppement professionnel, par exemple. En somme, il pourrait en résulter un espace de rencontre dont les caractéristiques sont le résultat d’une hybridation du modèle la CAP et du groupe de codéveloppement professionnel. Alors que l’utilisation d’un seul modèle et d’une terminologie spécifique peut représenter des avantages lorsqu’il est question d’appliquer et de comprendre un concept, en action, il pourrait être préférable de choisir un modèle hybride, plus personnalisé, et de faire preuve de souplesse « pour vous obliger à faire une réflexion et à développer votre propre voie » (Mintzberg, 1994, p. 27, cité dans Dufour et al., 2019). Les responsables d’un espace occupé par la communauté éducative pourraient donc choisir d’aller au-delà des définitions et ne pas utiliser « un modèle en particulier, mais plutôt tendre vers des types de modèles définis afin d’orienter » la création et le pilotage de celle-ci (Fiévez, 2017, p. 58).

 

Des pratiques gagnantes dans la vie d’une communauté

Certaines pratiques favorisent la mise en place d’espaces de réflexion et de collaboration dans lesquels la communauté éducative est mobilisée. Comme le présente Lampron (2021), ces pratiques sont diverses et peuvent être associées à différentes étapes de leur cycle de vie (voir Figure 1).

Figure 1. Pratiques favorables à la création et au maintien d’une communauté de pratique selon son cycle de vie

 

Lors du démarrage d’une communauté de pratique, c’est souvent l’habileté du personnel de gestion qui influencera son évolution future, mais bien souvent ce n’est pas seulement à ce dernier que revient l’entière responsabilité de la planification stratégique puisque chacun des membres du personnel peut y jouer un rôle crucial. Par exemple, comme le présente la figure 1, à l’étape d’identifier les besoins en ressources humaines et financières, nommer des personnes-ressources (membres du personnel enseignant, professionnel·les, etc.) peut faire une « différence considérable pour assurer le leadership, structurer la communauté, gérer les documents et les outils disponibles, faciliter les communications et le recrutement [et ainsi] éviter l’essoufflement de votre communauté ou la surcharge de travail pour les membres plus impliqués dans l’organisation » Lampron (2021). Au regard du numérique dans les écoles, selon le modèle de changement planifié de Savoie-Zac (1993), chaque acteur membre de la communauté éducative pourrait jouer différents rôles (collaborer, conseiller, animer, assister, créer, participer, accompagner, etc.) dont la responsabilité sera entièrement ou partiellement partagée. Déléguer ces responsabilités au sein d’une communauté de pratique rejoint le principe de subsidiarité qui guide la gouvernance scolaire du Québec, « principe selon lequel les pouvoirs et les responsabilités sont délégués au niveau approprié d’autorité en recherchant une répartition adéquate des lieux de décision et en ayant le souci de les rapprocher le plus possible des élèves, des autres personnes ou des communautés concernées » (Lemieux et Guimont, 2016, p. 28).

 

La Guilde pédagonumérique : une communauté aux responsabilités partagées

C’est dans cet esprit d’établir des responsabilités favorisant l’implication et le leadership des membres d’une communauté que la Guilde pédagonumérique a vu le jour. En 2021, un programme de coaching dans un établissement comptant environ une soixantaine de membres du personnel enseignant a été initié par un conseiller pédagogique régional (RÉCIT FGA) de la région de la Capitale-Nationale. L’année suivante, à la suite du bilan de ce programme, l’idée de proposer une nouvelle mouture du projet a germé. C’est dans la perspective de développer un système qui faciliterait le démarrage de cohortes de développement et d’accompagnement d’intégration du numérique en classe qu’est né le projet de la Guilde pédagonumérique. Ce dernier permet notamment d’accompagner des gestionnaires et une équipe de conseillers pédagogiques dans la mobilisation d’une communauté éducative autour d’un système de développement professionnel propice au développement de bonnes pratiques faisant appel au numérique. Selon la perspective des personnes qui ont développé le modèle de la Guilde pédagonumérique, il s’agit d’un « système clé en main permettant […] d’implanter facilement une communauté de développement professionnel à l’intérieur d’un centre de services scolaire ou d’un établissement spécifique » (Bédard et Tremblay-Therrien, 2023). Une vue d’ensemble des activités permet d’apprécier les activités planifiées auxquelles participent les membres de la Guilde (voir Figure 2).

Figure 2. Vue d’ensemble des activités annuelles de la Guilde pédagonumérique 

 

Au sein de cette communauté de pratique, nous retrouvons des personnes identifiées comme membre, délégué, conseiller pédagogique, gestionnaire, personne-ressource du RÉCIT, ou personnel des services informatiques. À l’intérieur d’une même année, les activités menées sont axées davantage sur la planification, le réseautage, le développement ou l’évaluation. Les activités associées à la planification et à l’évaluation sont celles où les gestionnaires et le personnel des services informatiques sont davantage mis à contribution, à l’instar des autres membres dont l’implication est davantage associée au réseautage et au développement. Leur implication à ces étapes sera aussi importante qu’il pourrait être bénéfique de se « rendre inutile » (Girard, s.d.) aux autres activités, soit celle du réseautage et du développement. Le réseautage auquel participent les personnes membres, délégués et CP techno, permet l’acquisition et le partage de connaissances et de compétences, « qui se pratique en dehors d’un cadre institutionnel et repose [notamment] sur l’utilisation d’outils collaboratifs » (Apprentissage par les réseaux, 2017). Dans ce type d’activité, le CP techno crée les conditions propices au réseautage et est conseillé par une ou des personnes-ressources du RÉCIT. Les activités de développement, quant à elles, se déclinent en exploration, conception, expérimentation et intégration. Celles-ci jouent un rôle crucial dans l’efficacité du développement des compétences en lien avec le numérique.

 

Se réunir et réseauter à l’intérieur et au-delà de son établissement

Les membres du personnel du réseau de l’éducation font partie d’une communauté éducative qui gagne à se réunir autour d’objectifs communs. La mise en place d’espaces, selon un modèle théorique personnalisé (ex., hybride CoP-CAP) ou une solution clé en main comme le propose celui de la Guilde pédagonumérique, peut soutenir le développement des pratiques professionnelles, alimenter un sentiment de camaraderie chez les personnes participantes et améliorer leur perception envers ce qu’elles peuvent accomplir (Hutchison et Woodward, 2018). La Guilde pédagonumérique vise non seulement à permettre au personnel enseignant d’un même établissement de favoriser leur développement professionnel, mais aussi à faire émerger le réseautage entre les communautés éducatives. L’implantation d’un tel projet et son expansion dans de nombreux centres de formation générale des adultes permettra certainement de créer et de réseauter des Guildes locales et de rendre plus efficace cet intéressant dispositif de développement professionnel.

 

Références bibliographiques  

 

Cet article, initialement paru sur le site régional du RÉCIT FGA, a été écrit par Anick Fortin, conseillère pédagogique au service régional du RÉCIT pour la formation générale des adultes, et Michel Lacasse, conseiller pédagogique au service national du RÉCIT pour les gestionnaires scolaires.

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